La Guyane compte un grand nombre d’espèces de Mantes, dont certaines endémiques. On en dénombre trois fois plus que dans toute l’Europe ! Pourtant, il reste plein de choses à découvrir sur ces insectes pour le moins intrigants. L’enjeu pour Nicolas Moulin, entomologiste et spécialiste des Mantes, c’est de développer l’intérêt des naturalistes pour ce groupe en partageant sa connaissance. Après avoir découvert de nouvelles espèces pour la science, il écrit aujourd’hui un ouvrage d’identification des Mantes de Guyane, qui permettra d’identifier la majorité des espèces directement sur le terrain.
Q: Vous êtes entomologiste indépendant, est-ce que, en quelques mots, vous pouvez nous expliquer en quoi consiste exactement votre métier et pourquoi vous avez choisi d’étudier l’entomofaune ?
En effet, je suis entomologiste indépendant depuis 17 ans. Dès mon plus jeune âge, j’ai été attiré par l’observation des insectes dans leur milieu naturel. Ils m’ont passionné et j’ai absolument voulu en faire mon métier. J’ai donc fait des études supérieures en écologie et environnement au Muséum national d’Histoire naturelle et, n’ayant pas suivi la voie recherche mais la voie appliquée, je me suis dit que me mettre à mon compte serait une bonne idée. C’est donc avant tout un métier passion ! Mon cœur de métier est de faire des expertises et des inventaires globaux sur les habitats, des inventaires d’étude d’impact, des suivis d’espèces protégées. Je travaille pour le compte de structures très différentes pour des projets, là encore, très différents. En octobre par exemple, je pars sur le terrain en Guyane dans le cadre du projet SURVEY pour faire de l’identification de Mantes. Je suis aussi validateur du groupe Mantes pour les plateformes de données : iNaturalist, faune-guyane et INPN Espèces. J’entretiens également un volet recherche par passion (ou par nécessité, pour qu'elle perdure...).
Q: Pourquoi vous intéressez-vous en particulier aux Mantes de Guyane ?
La Guyane dispose d’un immense couvert de forêt tropicale du bassin amazonien et tout naturellement, je me suis intéressé aux Mantes qui y vivent. Ce ne sont pas moins de 81 taxons (80 espèces valides et 1 genre nouveau pour la Guyane) de Mantes qui sont présentes dans ce département. Certaines ne sont pas identifiées à l’espèce, mais ont été arrêtées au genre, comme les individus femelles sans mâles, il y en a donc certainement bien plus.
Entre la surface du bloc forestier et les confusions taxonomiques, il y a encore des connaissances à apporter sur ce taxon. Certains individus récoltés étaient systématiquement confondus avec une autre espèce. Aujourd’hui, ce problème subsiste, des confusions persistent. Il y a des espèces pour lesquelles nous ne disposons encore d’aucun moyen pour les différencier, mais qui sont pourtant des espèces différentes. Un travail de barcoding ADN (technique d'identification permettant, à partir d'une courte séquence d'ADN, de caractériser génétiquement un individu) est actuellement mené, pas sur les 81 espèces, cela dit nous pourrions tout de même imaginer que le séquençage d’un individu qui sort du lot pourrait mener à l’identification d’une nouvelle espèce. En Guyane, il y a énormément d’espèces que nous ne connaissons que par un seul spécimen, que nous n’avons pas revues depuis leur description et au moins trois espèces ne sont connues que par les mâles, nous n’avons jamais observé les femelles.